Un mot, des maux ('sale pute')
Mani : Numbeu … (avec insistance) Numbeuuuuuuuuu
Numbeu : Ah, Mani, je ne t’ai pas entendu. Désolé j’étais un peu perdu
Mani : Je vois ca … Il faut redescendre sur terre, vous les jeunes, toujours vos mp25 aux oreilles, vous avez perdu le sens des réalités, entre vos sms, msm, msn, m&n il n’ya même plus de discours possibles.
Numbeu : Le poids des mots nous pèse on essaie d’alléger notre condition. Je ne m’attends pas à ce que tu comprennes (seul kini pourrait, c’est un être tellement intelligent), Il y’a une telle différence générationnelle …
Mani : On m’a dit que tu te saoules tout le monde avec un philosophe que tu cites partout, « On ne sent » ???
Numbeu : ‘Orelsan’, mais ce n’est pas un philosophe, lui parle de vécu, de nos problèmes de société, de nos réalités. Tu as déjà écouté une de ses œuvres ? On dirait qu’il inspire celles de Briwill.
Mani : Votre discussion l’autre nuit sur … la peur de quelque chose … c’est ca ? Quand j’étais plus jeune on m’appelait jean sans peur, c’est pour ca que je ne me souviens plus de quoi il était question d’avoir peur …
Numbeu : lol !, l’échec. Celui que la société nous impose
Mani : En tout cas, elle a fait le tour du Texas, et hier Mam écoutait une de ses chansons … ‘Changement’. Quand j’y réfléchis c’est de cela que tu me parles … non ?
Numbeu : Ca aurait pu. Mais je pensais surtout à sa chanson ‘sale pute’, son contexte associé à la dureté de ses propos. Toute la polémique qui est né des mots qu’il utilise m’amène à m’interroger sur le sens que l’on accorde aux mots que l’on dit et à ceux que l’on entend. Et on peut généraliser ça à tellement de choses que je suis effrayé de ce que la société nous impose, cette volonté de tout normaliser.
Mani : Tu ne t’es pas trompé de catégorie ? Appelle Meb, vous en discuterez.
Numbeu : lol. Meb ne parle pas beaucoup.
Mani : J’étais à table hier avec des amis hier et l’un d’entre nous a soudainement dit le mot « putain », je pense qu’il voulait souligner son étonnement, sa stupéfaction face à une situation. Personnellement c’est un mot utilisé par bon nombre de nos pairs, moi le premier.
Je pense sincèrement qu’il n’utilisait pas ce mot dans son sens premier, mais les avis étaient assez partagés. Il n’en demeure pas moins qu’il s’en est suivi toute une série d’avis sur la place que l’on accorde à chaque mot.
Pour certains, des mots devraient être banni d’utilisation du fait du poids de l’histoire, une aversion particulière pour le mot anglais ‘nigger’, ou de l’extrême vulgarité qu’ils supposent, notamment les mots ‘fuck’, ‘putain’ etc.
D’autres plus tolérant pensent que l’on pourrait redéfinir certains mot avant de les utiliser autour d’un débat. Les mots tels qu’ils sont conçus et leur utilisation définie notamment par les dictionnaires se doivent d’être utilisés et compris dans leurs sens premier … sauf si redéfinition préalable ou à postériori. Cela ressemble beaucoup aux discours de politicien.
Numbeu : Et toi ? Tu en penses quoi ? Orelsan ne devrait pas dire « sale pute » quand il parle de son ex qu’il a le tromper ? Extrémiste ou politicien ?
Mani : Tout n’est pas blanc ou noir dans la vie. En plus tu exagères sur les extrêmes. Personnellement je n’ai pas de position.
Numbeu ; hummmm… tu ne prends pas position … surprenant !!!
Mani : Je suppose que toi tu cautionnes Orelsan ?
Numbeu : Moi je dis que s’arrêter sur les critères de la société pour juger des propos, des actes, des personnes est discriminatoire, non réfléchis et surtout conforme au moule que cette société bâtit pour nous.
C’est bien de construire une maison pour nous protéger des maux de la nature mais a-t-elle un réel intérêt si l’on ne peut pas en sortir ? On devrait pouvoir aller au-delà de la barrière des mots tout de même, pouvoir les adapter quel qu’ils soient au contexte dans lequel ils sont utilisés, et si besoin est s’interroger (ou tt simplement interroger leur propriétaire) sur leur sens ?
Mani : Ce n’est pas faux, mais comme d’habitude tu as une vision trop idéaliste des hommes. Dans le monde merveilleux d’Alice où tout le monde réfléchirait comme toi, aurait tes « qualités » d’analyse et de compréhension ceci serait envisageable. Mais la société se doit de protéger les plus faibles, les plus influençables afin que ces derniers ne subissent pas un éventuel effet de bord. Dans sa chanson il dit quand même, je cite « Avant je t’aimais maintenant je rêve de te voir imprimer de mes empreintes digitales », « On verra comment tu fais la belle avec une jambe cassé ». Tu ne penses pas que ceux qui l’écoutent pourrait penser que c’est ce qu’il faut faire à toute les femmes qui les quittent ? Ce n’est peut être pas (surement pas) ce qu’il préconise mais c’est ce que ces paroles pourrait laisser entendre (by the way, je l’adore celle là, comme tu vois moi aussi je suis fan.)
Numbeu : Il y’a beaucoup de partisan de la peine de mort dans le monde, près de 600 personnes aux états unis depuis 2000. Pourtant la majorité des sociétés le condamne. L’euthanasie et tant d’autres sujets pour lesquels la société semble être contre… doit-on bâillonner tous ceux qui semblent être en accord avec ces choix afin de protéger les plus faibles qui pourraient être endoctrinés? L’apartheid, l’esclavage, les discriminations raciales…
Mani : Deux choses ; Déjà faut pas confondre idées et propos. Par ailleurs les actions que tu cites sont toutes des causes justes, comment peux tu comparer l’apartheid au droit de dire « Casse-toi alors, pauvre con » dans un salon, ou « on verra comment tu suces quand je te déboiterais la mâchoire » dans une chanson ?
Numbeu : C’est un point de vu qui se conçoit. Je laisse Vieux te dire ce que je pense de ce que l’on met derrière la notion de « bien et de mal », de « juste et d’injuste ». Aucune voie (voix), juste ou injuste, bonne ou mauvaise, grossière ou distingué ne peut, ne devrait être banni du fait des normes de la société.
Pour ce qui est de la confusion entre propos et idée je veux juste préciser deux choses :
Il se trouve que souvent, très souvent, on présente les idées à travers des mots. Chacun les utilise à sa manière afin de présenter au mieux, d’après lui, ses idées à son auditoire. Si l’auteur ne peux pas ou ne veux pas s’adapter à son auditoire, l’auditoire peut lui aussi s’adapter au langage (vocabulaire, grammaire etc…) utilisé. Aucune partie ne peut être contrainte, normalisée, chacun agit en fonction de ses capacités et de ses motivations. Il n’est pas juste de juger quelqu’un sur ces idées ou sur la manière dont il les exprime, on peut juste être en accord ou pas, sinon on devient un mini dictateur.
Mani : Un mini « Dictateur » ?
Numbeu : Meb t’expliquera …
Mani : Je dois le voir demain, il m’en parlera. En conclusion tu cautionnes Orelsan dans ses propos que l’on peut facilement qualifier de misogyne ?
Numbeu : Lui, Orelsan, dit qu’il voulait « symboliser le fait que l’être humain puisse passer de l’amour à la haine facilement ». Ce ne serait donc pas une chanson misogyne. West à un moment donné pensait (et je crois pense toujours) qu’il prend dans ses chansons la position de ce (ceux) qu’il veut dénoncer… En gros West dit qu’il prend position contre la misogynie, lui dit que ca n’a rien à voir avec ce débat. Moi je pense que c’est à chacun de recevoir et d’interpréter ce qu’il reçoit, entend, lit et de se faire sa propre idée des choses. Ce ne sont pas ses propos qui sont misogyne, c’est la manière de l’interpréter. Et c’est vrai avec toute forme de discours. Voila ce que je pense.